Les clauses 110A et 110B de l’Insurance (Amendment) Bill 2015 ont soulevé des questions d’ordre constitutionnel à l’Assemblée Nationale le 28 avril 2015. Paul Bérenger en sa capacité de leader de l’opposition, avait alors fait des « commentaires pertinents » concernant les clauses susmentionnées, note la Commission d’enquête. « I mean, at that level, that kind of non-preparation, I cannot find acceptable », avait-il dit. Une question mérite ainsi d’être posée : comment Bérenger peut-il aujourd’hui défendre bec et ongles l’ex-ministre Bhadain et critiquer la Commission d’enquête sur Britam ? Voyons les faits.
L’examen des échanges de courriels par la Commission d’enquête révèle que le State Law Office avait indiqué que les questions constitutionnelles relatives au projet de loi, Insurance (Amendment) Bill 2015, devraient être abordées. Mais tout porte à croire que cela n’a pas été le cas lorsque le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres qui « took note », mais sans pour autant l’approuver avant qu’il ne soit débattu à l’Assemblée nationale.
À la lecture du « Hansard », la Commission devait constater que l’opposition avait également soulevé un certain nombre de questions « fondamentales », dont l’inconstitutionnalité des clauses amendées. « The explanatory memorandum of the Bill had remained silent on the removal of consent of the policy-holders. The Minister had barely mentioned the constitutional issues referred to by SLO and unaddressed », fait ressortir le rapport Domah.
Les commentaires pertinents du leader de l’opposition d’alors, Paul Bérenger, ont été purement et simplement rejetés.
Voici ce que Bérenger avait déclaré le 28 avril 2015 à l’Assemblée nationale : « (…) les choses sont allées si vite et maintenant je ne peux pas accepter qu’une loi qui a déjà un impact sur notre image, sur notre économie, sur notre système financier, sur notre flux d’investissements de l’étranger s’il est approuvé par le Cabinet vendredi (NDLR : vendredi 24 avril 2015) et apporté ici, mardi, pendant la 1ère, la 2e, la 3e lecture, comment cela peut-il être juste ? Je suis sûr qu’à tête reposée, tout le monde est d’accord pour dire que cela ne peut pas être juste – et sans consultations ! Mais je n’en dirai pas plus, sans concertation avec les personnes concernées ».
Bérenger : « C’est mauvais pour Maurice… »
Cela avant de marteler : « (…) je n’ai jamais entendu un silence aussi assourdissant de la part des personnes concernées. On aurait pu s’attendre à ce que les grands cerveaux du secteur privé, du secteur des assurances et des retraités aient, au moins, trouvé quelque chose à dire hier et aujourd’hui. Il est vrai que nous avons le projet de loi. Moi, le leader de l’opposition, je n’ai reçu le projet de loi que samedi. Ce n’est pas bon, ce n’est pas juste, ce n’est pas normal. Le dimanche est dimanche. Lundi, rien dans la presse ! Aucune réaction des gros cerveaux du secteur privé et j’en passe, et tout silence complet, silence radio total et encore aujourd’hui, hier après-midi. C’est mauvais pour Maurice. Très sérieux ! Donc, je n’insisterai pas davantage, mais il aurait dû y avoir des consultations… »
Les questions constitutionnelles soulevées par d’autres parlementaires ont également fait l’objet « de menaces et d’intimidations », souligne la Commission.
Pour elle, il n’y a rien de mal pour qu’un ministre s’assure que dans une telle situation où les assureurs font faillite, les assurés obtiennent un accord équitable dans un délai raisonnable pour leurs investissements ratés. « But there was something wrong when he took over complete control of the process and began manipulating the process, the professionals and the institutions. There was something wrong when he robbed the consent of the policy-holders and supplanted it by his own through a piece of legislation », estime le rapport Domah qui, va plus loin, élaborant davantage sur la façon dont le ministère de la Bonne gouvernance aurait pu procéder en se basant sur ce qui est fait dans d’autres juridictions.
L’analyse qui suit apporte encore plus de clarté sur la manière dont cette loi a été proposée par Roshi Bhadain et son équipe : « One way of doing it would have been the way Benoit Chambers had advised. Another model would have been the Canadian model. In an identical situation, the law was amended to make sure that the policy-holders grouped themselves in a compensation Association. The Minister, then, comes in with the approval of the Governor to ensure that the deal is fair and timely. We refer below to the law of Ontario of how it met with an identical situation. Of note, the law preserves the right of the policy-holders to decide how to share the realized assets. The Minister does play a role in it but under the approval of an apolitical Lieutenant Governor in Council. It is not by the approval of a Minister that things are done but with the approval of an independent body set up for the purpose ».
Quand on combine cette analyse à l’intervention au Parlement de Bérenger mentionnée plus haut (28 avril 2015), et on la compare à ses récentes déclarations et critiques sur la Commission d’enquête, l’on est en droit de se questionner sur la sincérité de ce même Bérenger, qui ne rate jamais une occasion de critiquer les autres et de dire qu’il a à cœur l’intérêt du pays.
Comment expliquer aujourd’hui que ce même Bérenger peut regarder Bhadain dans les yeux, s’asseoir à ses côtés dans une alliance plus frileuse que jamais, et le défendre sur des décisions qu’il considérait comme « scandaleuses, choquantes, dégoûtantes… »
#BritamPapers – Le virage à 180 degrés de Paul Bérenger